Leelee Chan vit au milieu des flux constants du port de Hong Kong et travaille entre le passé, le présent et le futur. Son enfance est marquée par l'observation curieuse des objets qui passent par le magasin d'antiquités chinoises de ses parents. Ceux qu'elle a le droit de manipuler sont des petits morceaux brisés, considérés sans valeur, de céramiques funéraires des dynasties Tang ou Ming.
On retrouve aujourd'hui ces fragments dans ses sculptures, ils sont les protagonistes d'assemblages hybrides avec des formes industrielles, parfois dotés d'une sensualité troublante (Peculiar Pyramid, 2024). Leelee Chan semble vouloir protéger ces fragments porteurs d'une spiritualité, dont le sens s'est égaré. Elle les augmente de matériaux d'emballages et de transports industriels: palettes en plastique, formes en polystyrène. Des objets liés à un système de valeurs et de croyances du passé se retrouvent ainsi projetés dans notre réseau contemporain de circulation de masse de marchandises. La main, qui évoque celle des artisans qui ont façonné ces objets, est un motif récurrent qui s'agrippe aujourd'hui à des éléments abstraits de l'économie globalisée (The Grip, 2020).
En appliquant une couche d'argile sur les surfaces industrielles, ou en les transformant en bronze patiné, Leelee Chan brouille les pistes, créant des autels ou vaisseaux aux accents de science-fiction. Le temps géologique est convoqué avec du bois pétrifié (Moth, 2023) ou de l'obsidienne. La révélation de l'absurdité des inventions humaines vouées à l'augmentation de la productivité au détriment de la spiritualité culmine dans Blindfold Receptor (caterpillar-yellow) (2023), totem évoquant une chenille, composé de roues utilisées par les plateformes de distribution, taillées en pierre - impossible de ne pas y voir également les gratte-ciel de Hong Kong. Avec leur matérialité et leurs titres qui font référence à des réseaux invisibles (Dark Light, Subterranean Circuit (2023) ou Wood Wide Web (Unearth) (2025), ses sculptures s'offrent à notre regard et à notre méditation comme jadis les rochers de lettrés.
© GESTE/S

